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La rétro qui ne sert à rien (symptôme expliqué par la psychologie du code)

Temps de lecture : 5 min


Cet article fait partie d'une série explorant les symptômes naturels apparaissant au sein d'une équipe technique qui collabore au développement — principalement informatique — d'un produit. On y explore le lien avec des modèles issus de la psychologie du code, travaillée dans notre programme d'accompagnement du même nom.

Le diagnostic

Le symptôme de la rétro qui ne sert à rien s'exprime souvent dans une situation du type : « nos rétrospectives ne servent à rien, on n'y aborde jamais les vrais problèmes en profondeur…"1

À l'origine de l'apparition de ce symptôme, il y a plusieurs facteurs,2 mais surtout un majeur : l'absence de sécurité psychologique.

La rétrospective est un rituel d'une équipe agile ayant pour objectif l'amélioration continue du fonctionnement de l'équipe — kaizen. Pour simplifier, on ne parle pas de ce que l'on fait, mais de comment on le fait. C'est un rituel régulier où on se clarifie sur les problèmes que l'on a, on prend des actions en conséquence et on suit les bénéfices de ces actions.

Les techniques d'animation sont nombreuses et parfois très ludiques3 et permettent de casser une éventuelle monotonie ressentie par l'équipe. L'équipe peut parfois être en rejet du rituel, ne pas trouver le temps d'y aller ou bien y aller à reculons. C'est notamment le cas lorsqu'on a l'impression de toujours parler des mêmes sujets, ou bien de ne pas parler des vrais sujets…

Le coach agile, le scrum master, ou celui qui a la casquette de facilitateur peut avoir tendance à chercher à tout prix cette diversité de modalité afin de contenter son équipe. Alors même que le vrai sujet n'est pas là. Peu importe la forme, la rétrospective a toujours le même objectif : célébrer ce qui fonctionne bien et améliorer ce qui peut l'être.

La sécurité psychologique

En 2011, une équipe de chercheurs de Google s'est attaquée à la question de déterminer les composantes d'une équipe performante : ils l'ont appelé le Projet Aristote, le disciple de Platon qui prône le « connais-toi toi-même. » À l'aide d'une méthode très rigoureuse, ils ont pu déterminer l'importance des facteurs suivants :

  • la sécurité psychologique : c'est la croyance qu'une équipe est capable d'accepter la prise de risque interpersonnel sans jugement, par exemple admettre une erreur, poser une question ou proposer une nouvelle idée ;
  • la fiabilité : c'est la capacité des membres à rendre un travail de qualité dans les temps ;
  • la structure et la clarté : c'est la compréhension des membres des attentes de leur travail (objectifs spécifiques, réalistes, stimulants), du processus pour remplir ces attentes et de l'importance de la performance de chacun pour la performance collective ;
  • le sens : c'est la capacité individuelle à trouver du sens (sécurité financière, soutien à la famille, entraide, réalisation) dans ce que les membres font ou dans la manière dont ils le font ;
  • impact : c'est le jugement subjectif de chaque membre sur le fait que son travail fait la différence.

Par opposition, les facteurs suivants ont été prouvés comme non significatifs : co-localisation, décisions par consensus, extraversion des membres, performance individuelle, quantité de travail, séniorité, taille de l'équipe, ancienneté.

Je vais prêcher pour ma paroisse, mais il est extrêmement intéressant que les sujets qui ressortent soient finalement ceux que les entreprises considèrent en général comme « soft. »

S'en sortir

Afin de prendre de bonnes décisions, notamment dans le cadre d'une rétrospective, mais aussi bien au-delà, il y a une vraie nécessité à mettre en place un cadre de sécurité psychologique dans l'équipe et dans l'organisation.

Finalement, tout notre programme d'accompagnement a cet objectif : en connaissant mieux mon propre fonctionnement et mes limites, en reconnaissant les différences et les apports des autres, puis en créant un lien entre nous sur la base de ce langage commun. C'est la première chose à faire.

Une deuxième chose à faire est de célébrer ce qu'on fait collectivement de bien :

  • ça met dans une disposition psychologique plus positive pour aborder ce qui va moins bien
  • ça permet aussi de se reconnecter à nos ressources : les compétences et qualités, les outils ou comportements qui sont positifs et que nous pouvons utiliser dans la résolution de nos problèmes. En tant que coach professionnel, j'observe qu'une grande partie de mes coachings consiste simplement à reprendre conscience de ces ressources — internes et externes — et à les réemployer créativement pour se remettre en mouvement
  • ça permet enfin de reconnaître les risques que l'on a pris et les résultats que l'on a obtenus

Une troisième chose à faire est de prendre le temps de creuser et d'ouvrir au maximum les perspectives sur le sujet, en invitant chacun à partager honnêtement et s'efforçant de suspendre son jugement. Un sujet qui peut me paraître dérisoire est peut-être très lourd pour quelqu'un d'autre. Je ne peux pas contester sa perception, qui est vraie dans son cadre de référence avec ses croyances, ses éléments de culture, etc.

Enfin, il faut prendre sérieusement ses responsabilités sur les actions décidées. Le deuxième facteur identifié par Google est la fiabilité, et ça n'est pas anodin : sans fiabilité, il n'y a pas de confiance et la bienveillance est d'autant plus compliquée à obtenir.

Finalement, accepter de tomber un peu le masque, de sortir du costume trop étroit de mon personnage au travail et avoir le courage de discuter vraiment ce qui doit l'être peut faire la différence en matière de performance de l'équipe et d'épanouissement de chacun.


  1. Comme pour tous les symptômes explorés ici, c'est quelque chose qu'on peut ressentir soi-même, ou observer chez un autre membre de l'équipe. Parfois, ça n'est pas du stress, mais un sentiment d'une famille proche, plus ou moins fort : tension, appréhension, colère, démission, etc. ↩︎

  2. D'autres facteurs mineurs peuvent être par exemple : l'identification, la difficulté à se mettre en posture d'apprentissage ou à considérer d'autres points de vue que le mien. Ceux-ci sont aussi abordés en détail dans le programme. ↩︎

  3. Cf. fun retrospectives↩︎

Hugues

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